Diaspora - African Markets - Romuald Yonga : "Démocratiser l'information financière africaine"

INTERVIEW. La plateforme informative et pratique que cet ingénieur dédie aux Bourses africaines se veut un outil pour les investisseurs attirés par l'Afrique.

Par

Romuald Yonga :
Romuald Yonga : "Jai toujours été surpris d'entendre des phrases du type « Il y a des Bourses en Afrique ? » © DR

Temps de lecture : 7 min

Romuald Yonga a décidé d'ouvrir la porte d'un univers aussi mystérieux et complexe qu'énigmatique pour le grand public. Mais pas uniquement puisque des professionnels du domaine de l'investissement ou même des Bourses ne savent rien des Bourses africaines. Trop mineures à leurs yeux. Voilà donc que Romuald Yonga, après quelque trois ans de confrontation avec la réalité de ce secteur vierge en matière d'informations précises et à jour, décide de faire le grand saut avec une nouvelle version de sa plateforme African Markets. « Nouveau design, nouvelles fonctionnalités, mais surtout naissance d'une start-up africaine », explique Romuald Yonga, Franco-Camerounais, qui s'est associé avec Jean‐Julien Ilunga, un financier, entrepreneur et fin connaisseur des marchés africains, lui aussi originaire d'Afrique centrale, de la RD Congo en l'occurrence. Depuis octobre 2014, les deux associés naviguent mieux en haute mer avec leur société grâce au soutien de deux business angels belges.

La newsletter Économie

Tous les jeudis à 17h

Recevez le meilleur de l’actualité économique.

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

Un défi à forme multiple

Pour mettre l'eau à la bouche de ceux qui devraient s'intéresser à cet outil, Romuald Yonga donne la possibilité de « télécharger dix années d'historiques de données de marché ainsi que 5 100 rapports annuels ». Une bonne base quand on veut « fournir de l'actualité et de la donnée de marché sur 17 Bourses africaines » et, surtout, pour proposer  « le profil des principales entreprises cotées du continent ». L'ambition est de taille, mais elle se justifie par l'objectif d'African Markets de « fournir une analyse profonde et à forte valeur ajoutée sur les marchés africains ». C'est que la cible d'African Markets est bien identifiée. Romuald Yonga vise les analystes, les chefs d'entreprise, les investisseurs en les informant sur les opportunités africaines, mais aussi en leur permettant de contribuer au développement des Bourses du continent. En bout de course, il y a bien sûr les étudiants qui, au même titre que les professionnels déjà aguerris, devraient avoir « un accès privilégié à un contenu exclusif sur les marchés africains ».

 

 

Pour Le Point Afrique, Romuald Yonga a donné des précisions sur son parcours, ses motivations, ses constats, ses objectifs dans le sillage d'African Markets. 

Le Point Afrique : Pouvez-vous nous donner les éléments de votre parcours universitaire et professionnel qui vous ont préparé à ce projet ?

J'ai obtenu mon diplôme d'ingénieur à l'École supérieure d'ingénieurs Léonard de Vinci à Paris avec une spécialisation en ingénierie financière, une formation qui m'a permis d'associer finance de marché, mathématiques et informatique. Mon profil technique et mon amour des chiffres m'ont valu de travailler dans les salles de marché de banques d'investissement françaises, notamment Crédit agricole et BNP Paribas dans le domaine des produits dérivés. À la base sans aucune connaissance en développement web et tout en continuant à travailler pour une grande banque française, mon profil, à la fois technique et financier, m'a donc permis de développer et lancer en 2012 la plateforme African Markets.

Comment vous est venue l'idée de vous lancer dans ce projet ?

L'idée est partie,
- D'une part, des crises financières successives que nous avons connues à partir de 2007 où on a observé une chute des valeurs sur les marchés occidentaux et plus tard sur les marchés émergents. Une place financière est restée robuste et décorrélée de ce phénomène : celle des marchés africains. Les investisseurs à la recherche de rendement se sont donc naturellement tournés vers l'Afrique. Mais ils ont tout de suite dû faire face à un problème majeur : le manque criant d'information sur ces marchés et sur les sociétés qui y sont cotées. Plusieurs questions apparaissent : comment y investir ? Comment s'assurer de la sécurité des investissements ? Comment accéder aux données de marchés, aux informations financières, etc.
- D'autre part, de mon constat de la méconnaissance de ces marchés, j'ai toujours été surpris d'entendre des phrases du type « Il y a des Bourses en Afrique ? »
Pour toutes ces raisons, j'ai décidé de lancer African Markets (african-markets.com), plateforme multilingue avec pour but de démocratiser l'accès aux bourses africaines en fournissant l'ensemble des outils nécessaires pour y investir. Ça passe par l'actualité économique et financière, profile des sociétés, annonces de sociétés, graphiques et outils d'analyse, données de marché, résultats financiers, etc.

En quoi est-il pertinent dans le contexte économique africain actuel ?

Pour imager, le continent africain représente aujourd'hui un gâteau que le monde essaie de se partager, les Bourses africaines n'y font pas exception. Dans ma philosophie, j'ai considéré l'Afrique dans son ensemble, comme un seul pays, les pays sont aujourd'hui interconnectés et dépendent dans une certaine mesure les uns des autres ; en Afrique de l'Est par exemple, aujourd'hui une société peut-être cotée à la fois à la Bourse de Nairobi (Nairobi Securities Exchange), d'Ouganda (Uganda Securities Exchange) et de Tanzanie (Dar Es Salaam Stock Exchange) ; l'Afrique de l'Ouest, de son côté, a une Bourse commune, la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), et réfléchit à la mise en place d'une monnaie unique, Nigeria et Ghana inclus. Tout cela pour dire tout l'intérêt d'une plateforme unique, couvrant l'ensemble du continent africain, de plus multilingue (anglais et français), malgré le biais anglophone du monde de la finance.

Quelle est votre cible ?

Nous ne nous fixons pas vraiment de limite, même si aujourd'hui la plateforme s'adresse en grande partie aux professionnels de la finance, celle-ci reste également accessible à tous, car nous tâchons d'utiliser un langage simple et facilement compréhensible. De plus, un de nos plus grands défis est d'attirer des novices à investir sur les marchés africains, à travers une plateforme d'éducation boursière sur laquelle nous travaillons.

Quelle signification donnez-vous au fait que les Africains s'intéressent petit à petit à la Bourse ?

D'une part, il s'agit pour moi d'une conséquence des crises financières depuis 2007, qui a ouvert les portes de ce monde un peu mystérieux de la Bourse. De la crise des subprimes à la faillite de Lehman Brothers, en passant par l'affaire Kerviel, nombre de personnes se sont de plus en plus intéressées à la Bourse, les Africains inclus.
D'autre part, plusieurs Bourses africaines ont fait de réels efforts pour inciter le grand public comme les entrepreneurs à s'intéresser à la Bourse. Ainsi, de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) en Afrique de l'Ouest qui organise des sessions d'information, la Bourse de Nairobi, ou encore celle de Casablanca qui a récemment lancé son portail Investia Academy, pour ne citer que celles-là.

Quel regard posez-vous sur la multiplication des Bourses africaines, mais aussi sur l'énorme écart qu'il y a entre le Johannesburg Stock Exchange et les autres ?

Je pense que les Bourses essaient de profiter de l'intérêt croissant des investisseurs pour le continent africain comme relais de croissance, avec ses taux de croissance à deux chiffres, sa classe moyenne qui grossit, ses matières premières et sa démographie. La Bourse de Johannesburg fait figure d'exception, son marché est mature. Il s'agit de l'une des plus anciennes du continent (1887) avec le plus grand nombre de sociétés cotées (presque 400, contre environ 200 en Égypte et 188 au Nigeria). Par ailleurs, il faut savoir que la Bourse de Johannesburg représente à elle seule environ 35 % des échanges sur les marchés africains.

Croyez-vous que le développement des Bourses va utilement aider au financement des entreprises africaines. Si oui, à quel moment pensez-vous que le phénomène sera significatif ?

J'irai même plus loin, c'est déjà le cas dans certaines régions. La Bourse constitue une réelle alternative au financement, principalement pour les PME. Et dans ce sens, avec la multiplication des start-up africaines, les Bourses africaines multiplient la création de compartiments dédiés aux PME pour aider à leur financement. Quelques exemples : la BRVM, le Growth Enterprise Market Segment (GEMS) sur le Nairobi Securites Exchange, l'Alternative Securities Market (ASeM) sur le Nigerian Stock Exchange, ou encore le LuSE-Alternative Market en Zambie, et j'en passe. Les PME peuvent ainsi se financer avec des conditions d'introduction allégées d'une part, d'autre part, le public peut investir dans une entreprise innovante.

Quels sont vos objectifs à moyen et long terme ?

Nous travaillons activement en ce moment sur plusieurs projets, à moyen terme. Nous souhaitons devenir la plateforme de référence pour investir sur les Bourses africaines et à long terme. Pourquoi pas, acheter et vendre des actions africaines directement sur notre plateforme african-markets.com ?